Sylvain Lepage, artiste plasticien

Mathieu CARRIER

Sylvain Lepage est-il un peintre de l’accident ? Il est vrai que ses toiles, sa manière de penser la peinture comme un acte avant une intention, semble nous emmener vers les terres de l’expressionnisme l’abstrait et de l’art informel. Lepage recherche l’inconnu dans la conception de ses oeuvres. Les couches de peintures s’empilent, s’opposent, sont détruites et recomposées par l’artiste : application, grattage, ponçage : les moyens que se donne l’artiste surgissent entre création et destruction. On est pourtant bien loin des « dripping » Pollock. Sylvain Lepage est un sculpteur de toiles. Sa peinture s’étend en trois dimension dans l’espace, une forme actuelle de « laction painting » cher à Harold Rosenberg.

Le peintre refuse la pré-conception de la toile, il se condamme alors à avancer en aveugle dans sa création, guidé par ce que l’on pourrait appeler l’intuition, un désir de matière. Si l’on pense tantôt à Elaine Hammilton ou encore à Jean Claude Riopelle, on ne parlera pas pour autant d’art informel. La figuration persiste sous des formes diffuses. Certains éléments aisément réconnaissables viennent aléatoirement perturber le regard du spectateur. Tantôt un oeil, une main, un sein - ce sont presque toujours des éléments de l’humain, des signes persistant de la chair et de l’érotisme. Les oeuvres sont de champs ouvert à l’imaginaire du spectateur parcourus d’indices comme autant de vestiges de la réalité. Les toiles de Sylvain Lepage ont un pouvoir de psychologie projective que n’aurait pas renié Hermann Rorschach.

L’intention plastique dirige la création. Nous ne sommes pas ici devant une peinture du hasard où le geste de l’artiste échapperait à tout contrôle. C’est une peinture ou le hasard et l’accident sont recherchés et assumés par l’artiste en tant que vecteurs de l’acte créatif.

Le concept de zones plastiques est récurrent dans les toiles de Lepage. Bien souvent la surface de l’oeuvre est découpé en plusieurs territoires. Cadres tracés au pinceaux, plages obtenues par ponçage ou opposition de couleurs... L’artiste aime à délimiter des frontières sur la toiles. C’est une guerre plastique qui se déroule devant les yeux du spectateur - entre les territoires en applat et ceux formés par les couches de peinture - , un drame de matière et de couleurs qui se dessine entre confrontation, soumission et envahissement. Il y a un goût communicatif pour l’épique chez Sylvain Lepage qui nous ramène à nos rêveries d’enfants, une gourmandise salutaire de matière et de couleur.

Mathieu CARRIER
Diplômé en Master 2 Histoire de l’art à l’Université de Paris 10.