Sylvain Lepage, artiste plasticien

Patrick Perez Secheret

Les douces fresques journales de Sylvain Lepage

Il y a dans l’évolution de l’oeuvre de Lepage un glissement sémantique vers le pastel vif et l’imbrication d’objets du quotidien, son décor, de formes humaines fragmentées souvent tendues l’une vers l’autre, totems, doigt, pénis érigés vers l’azur, délicate solitude de soi au coeur d’un monde qui s’effrite comme affiches superposées sur un mur. On songe à Voss, Miro ou Dubuffet. La composition est toujours en mouvement, en quête et d’une grande et douce sensualité avec une présence récurrente du bleu marine ou cobalt, d’ocre et jaune. Le rouge discret, hormis sa prépondérance sur quelques toiles soleilleuses, est coeur battant, le nerf de cette vision parcellaire de toute existence.

Chaque toile et en elle-même déjà l’autre, une mosaïque, un ensemble de vitraux en répétition de ce que l’oeil induit au pinceau, collages qui n’en sont pas, restes d’affiches déchirées mais recolorisées, fresque finale incrustée de vignettes pour une bande dessinée de la vie. Parfois des touches cubistes réinventées, assagies, arrondies comme si tout prenait la forme du sein originel et du désir fécond du partage.

Lepage a son style, un fantasme épuré de l’autre en jeu de caches ou la réalité s’évide et laisse place à l’imaginaire, au deviné plus que vu, au plaisir épuré. Un travail oscillant sans cesse entre figuratif et abstrait, tentation volubile de crudité et d’érotisme feutré. Lepage arpente la vie d’un oeil tendre, à rebrousse-poil du convenu et dès lors son monde, le nôtre, apparaît plus optimiste, gai lucide, en devenir pérpétuel loin d’une certitude de dire les choses et les êtres comme on voudrait qu’ils soient ou comme ils sont. Les peintures sont ainsi éclatantes de retenue, de sobriété, enveloppées d’amour c’est à dire de doute, de passion mesurée c’est à dire d’impossible, de rêve sans fin.

Brassens disait : « montrer son coeur ou son cul c’est pareil », Lepage dit semblable chose avec talent. Je crois que cette façon de peindre, de dire, d’oser en partage avec pudeur est le reflet d’une âme de vivre sans fard, sans prétention, à côté des effets de mode donc une promesse.

Patrick Pérez Sécheret
Poète-écrivain
Vitry-sur-Seine, 4 septembre 2007